La côte de bœuf
Les purs restaurants à viande à Marseille, sont rares. Il y avait Le Boucher, 10 rue de Village (à deux pas de la Place Castellane), mais depuis que le restaurant a été renommé La Femme du Boucher, la qualité, se paie bien cher, et l’offre est limitée. Il y eut Le Couteau, 145 rue Sainte (13007), mais c’est fini, le lieu se veut désormais adapte du fooding pour Parisiens venus s’encanailler à petits prix dans la cité phocéenne. Reste donc La Côte de bœuf, qui depuis quarante ans se donne la tâche de combler les viandards.
J’y suis beaucoup allé dans les années 2010, séduit par une cave qui est certainement la plus riche de Marseille, et par une qualité constante de viande cuite à la braise. J’y suis retourné récemment, après une longue défection – consacrée à expérimenter d’autres saveurs, et alimentée par une suspicion sur la nouvelle équipe qui a pris les rênes de l’établissement. Mais ils ont gardé le sommelier, figure tutélaire de la Côte. Disons-le tout net : c’est un restaurant honnête, mais dont les prix ont subitement monté. Et si le service est impeccable si vous arrivez tôt, il s’embrouille et s’étire au fur et à mesure que les convives se font plus nombreux. Ce soir-là, l’un des serveurs a un peu perdu ses nerfs face à un client qui ne demandait pas la lune. Et les plats commandés n’arrivent pas toujours sur la bonne table.
combler les
viandards
Côté hors d’œuvre, les os à moelle sont bien garnis, les planches de charcuterie honnêtes mais payer 17€ pour une poêlée de champignons de saisons (des pleurotes, tout bêtement : pourquoi ne pas le dire ?) et « son œuf parfait », cela fait cher.
Ensuite, proposer un burger dans un restaurant à viande, c’est sacrifier aux nourritures molles en faveur chez les jeunes, alors que l’amateur de viande veut sentir les cellules sanguines éclater sous sa dent dans un concert de saveurs.

La Blonde de Galice hachée menu, ça ne le fait pas. Et cela laisse à penser que la vache qui a fourni cette purée était au mieux un broutard, tué tôt et maturée le temps du transport. Il en est de même du tartare, proposé en deux versions, 180 g (pas de quoi remplir une dent creuse) ou 360g — oui, bof… Quand la viande ne vaut vraiment que par les frites ou le gratin dauphinois (fort bon), qui l’accompagnent, est-on encore dans un restaurant spécialisé ?
Les vraies viandes, parlons-en. Le mode de cuisson implique que vous ne choisissiez pas une tranche trop fine, qui sera trop rapidement calcinée. La côte de bœuf pour une personne manquait d’épaisseur et de fondant. Les ribs de bœuf caramélisés étaient bons, mais n’importe quelle cuisson lente chez vous en fait autant.
Restent les « viandes d’exception » — selon arrivage. Noire de Baltique, Blonde de Galice, Prince du Sud, Angus. Entre 16,50 et 19,50€ les 100 grammes. Mettons une côte de bœuf pour deux — la meilleure solution au niveau gustatif, et tout dans le restaurant vous y pousse —, et passés les 800 g, c’est vite inabordable. Quant à la présentation en tomahawk, une mode venue d’outre-Atlantique, je la laisse à ceux qui pensent que la présence d’un manche d’os de vingt centimètres ajoute quelque chose au goût de la viande.
Vous pouvez agrémenter votre viande de sauces proposées au choix. J’ai tendance à me méfier des couvertures qui, à force de poivre ou de béarnaise (pour ne pas parler de la sauce chimichurri, dont le piment vous arrache les papilles) camouflent le goût intrinsèque de mon steak.
Les desserts sont classiques — l’éternelle crème brûlée, les profiteroles (monstrueuses) à déguster en égoïste ou à partager, ou les pâtisseries de chez Marrou — que vous pouvez aussi bien acheter, pendant la journée, Place de l’Opéra ou Place Castellane.
La cave, exceptionnelle, vous propose aussi bien des bouteilles historiques qui dépassent le millier d’euros que des vins locaux à des tarifs raisonnables. Et comme dans tous les restaurants honnêtes de Marseille, on vous proposera de l’Orezza en eau pétillante — c’est la moindre des choses, d’autant que le chef de rang, très efficace, est manifestement corse.
Au total, La Côte de bœuf est une adresse possible, fort fréquentée (pensez à réserver), emblématique, mais un peu décevante. Mais peut-être le souvenir des dîners d’autrefois ajoute-t-il une saveur particulière aux viandes dévorées jadis.
La Côte de bœuf
- 35 Cours d’Estienne d’Orves 13001 Marseille
- 04 91 33 00 25
- www.lacotedeboeuf.net
- À emporter et en livraison